Avec la chute du mur, le 9 novembre 1989, le gouvernement du chancelier Helmut Kohl découvrait à sa porte 18 millions de citoyens, assoiffés de biens de consommation. Placé devant le fait, il n’avait d’autre choix que de leur donner au plus vite satisfaction.
Qui ne se souvient des images montrant les nouveaux venus exhibant joyeusement sous les caméras le billet de 100 Deutsche Mark que les autorités fédérales leur remettaient en signe de bienvenue ?
Quinze ans plus tard, l’euphorie et l’espoir ont disparu pour laisser place à l’amertume et au pessimisme. En effet, depuis la réunification, 1250 € milliards ont été injectés en vain dans les nouveaux Länder, sans apporter la moindre amélioration à une situation économique catastrophique dans cette Allemagne de l’Est. Pas une entreprise, pas une industrie ne s’y est installée, malgré les avantages alléchants souvent proposés par le gouvernement fédéral. Les entrepreneurs qui l’ont fait, et cela s’est produit assez fréquemment, sont revenus à l’Ouest, déroutés par l’incurie et les mille difficultés qu’ils ont rencontrées là-bas, tant dans les infrastructures que dans la tête des habitants. On n’efface pas en quinze ans un demi siècle de totalitarisme qui a éteint la société.
Plus d’un dixième des 18 millions de ces nouveaux Européens est aujourd’hui sans emploi et sans perspective d’avenir pour ses enfants. Un bilan lourd à porter pour l’économie fédérale, qui voit ainsi grimper à 4,3 millions le chiffre global de son chômage.
Mais qu’a-t-on fait de cette manne financière, se demande l’homme de la rue à l’Ouest ? Elle a été majoritairement engloutie par le besoin de consommer des nouveaux Allemands. Un phénomène qui a, dans un premier temps, dopé l’économie outre-Rhin, avant de retomber comme un soufflé une fois ce besoin assouvi. Résultat, cette industrie qui employait plus de 14 millions de personnes au début des années 90 n’en emploie plus que 10 millions dix ans plus tard. Avec toutes les conséquences que cela sous-entend pour le chômage, les départs prématurés à la retraite, les caisses de maladie et de vieillesse... D’où cette implosion du système social et les mesures draconiennes imposées au pays.
Malheureusement, il semblerait que toutes les grandes réformes tentées à l’Est aient fini par produire des effets pervers. Le scandale de la Treuhand (organisme chargé de privatiser l’économie est-allemande ou encore celui de la Landesbank (organisme bancaire accusé d’avoir dilapidé le patrimoine immobilier de Berlin) ne sont que deux exemples dans la liste des abus et détournements financiers. L’Est est devenu un gouffre financier. Répétés à tous les niveaux, ils ont eu pour conséquence d’accentuer la dette du pays, et notamment de la capitale, obligée de faire appel aujourd’hui à l’aide financière des autres Länder et bien entendu de puiser dans les caisses de Bruxelles. Sur le plan social, les Allemands de l’Est se sont vu imposer une discrimination salariale (allant de 15 % à 20 % de moins que pour un salarié de l’Ouest) d’autant plus injustifiée que les prix à la consommation sont les mêmes partout.
- Rupert Consulting: On a agi comme si la culture, l’état d’esprit, n’influençait nullement la performance.
Aussi les populations des deux Allemagnes se sont-elles enfermées dans leur système, afin de mieux résister. Les statistiques montrent qu’il y a davantage de mariages entre ressortissants allemands et étrangers qu’entre Allemands de l’Est et de l’Ouest.... - Rupert Consulting: Ça n’a rien à voir: les jeunes Allemands de l’Ouest partent ailleurs dans le monde en vacances et leurs intérêts sont ailleurs qu’à l’Est. Ils rencontrent leurs partenaires peut-être sur les lieux de vacances plus qu’ailleurs.
….Tandis que 21% des Allemands se déclarent favorables à une reconstruction du mur - Rupert Consulting: parle-t-on d’un mur virtuel ? Le « mur » ferait politiquement très incorrect
(12 % à l’Est et 24% à l’Ouest), Berlin fournit un exemple frappant de ce repli, avec les quartiers de l’Est et de l’Ouest qui montrent des différences énormes de niveau de vie. Cette « ghettoïsation de la Population, ajoutée aux gigantesques chantiers en cours, explique que la capitale ait un taux d’endettement record en Allemagne avec 25’000 euros par Berlinois.
Aussi les Allemands de l’Est expriment de plus en plus leur souhait de voir arriver un leader politique capable de représenter leurs intérêts face à ce monde qu’ils ne comprennent pas. C’est en grande partie grâce à cet électorat déçu (notamment dans la Saxe et le Brandebourg) que le parti nationaliste NPD fêtait récemment son retour au sein du Parlement fédéral après trente deux ans d’absence.
Le texte ci-dessus est fondé sur l’article de Monsieur Sanchez paru le 6.11.2004 dans Le Figaro Magazine. Nous l’avons complété par des commentaires afin de faire comprendre le lien entre état d’esprit et performance et surtout pour montrer que le résultat économique dont M. Sanchez fait le constat en 2004 était complètement prévisible avant même la chute du mur.
Des considérations analogues nous ont permis d’annoncer la quasi certitude d’une catastrophe à la NASA. Ce fut Columbia. La prévision fut exposée une année avant l’accident au cours d’une conférence à l’ANDCP à Paris XVI devant des personnes du CNES. L’analyse avait été menée à partir des comportements usuels dans la NASA et décrits par Probst et Büchel dans leur ouvrage sur l’entreprise apprenante. Dans son rapport du 26 Août 2003, la NASA admettait la source du problème, sa propre culture.
Ces mêmes cartographies permettent de prévoir l’incapacité des grandes administrations actuelles à gérer toute crise, tout changement et toute réforme d’une manière fluide. Les exemples tels que l’amiante, le sang contaminé, la pollution de Tchernobyl sont nombreux. C’est la culture de l’administration qui est en cause, pas les fonctionnaires.
Article de M. Sanchez paru le 6.11.2004 dans Le Figaro Magazine avec commentaires.